بقلم الكاتب و الباحث بوخاف بوشعيب
Université picardie jules vernes
"Folie de la langue, mais si douce
si tendre en ce moment
Bonheur indicible!
Ne dire que cela: apprends-moi
à parler dans tes langues"
A. Khatibi, Amour bilingue,
S’il y a quelqu’un qui en sait un bout sur l’exil, l’errance, l’humiliation et qui n’en fait pas commerce, ni gémissements calculés mais une épreuve de vie, et d’écriture, c’est MIFTAH. Ecriture majeure que la sienne ; énorme ; sortie des mornes plaines des normes.
On relève souvent, à juste titre, que le mot "cri" s'inscrit au centre du verbe "écrire", et par là-même, à la naissance de l'acte d'écriture. Toute écriture, et a fortiori l'écriture de Zajal qui nous intéresse ici particulièrement, est, en effet, tension. Tension entre deux univers culturellement superposés, tension entre deux histoires pourtant intimement liées, tension entre deux langues, l'une maternelle, langue d’affect du dedans et l’autre arabe officielle, du dehors langue des représentations secondaires pour reprendre les expressions de Sami ALI.
Ce genre littéraire où MIFTAH excelle est un tournant dans la production littéraire marocaine, par une écriture nouvelle, éclatée, survoltée, pour dévoiler l’aigreur profonde, le drame d’une génération en désarroi vouée à l’errance de l’exil, pour dénoncer l’humiliation érigée en système de gouvernance et mode de production et de reproduction.
MIFTAH a malmené la langue pour se démarquer du zajal mondain des salons bien feutrés afin de s’engager dans une guérilla linguistique. Cette guérilla linguistique dont l’auteur fait sa profession de foi est l’aboutissement d’un long cheminement qui a mené le jeune sage contre toutes les formes d’autorité abusive et sclérosée, pestant contre l’humiliation qui déshumanise l’homme, d’où l’angoisse du non-être l’engage dans une quête douloureuse de son identité bafouée et brisée, à la recherche d’un hypothétique salut. Démarche éminemment existentielle, une catharsis et un acte fondateur révolutionnaire poétique.
Le Zajal Miftahien ne pouvait qu’être une poésie de résistance c’est-à-dire une poésie qui briserait, à tous les niveaux (syntaxique, phonétique, symbolique) la logique de la langue. Par une sorte d’effraction systématique, il s’agirait en quelque sorte de subvertir l’imaginaire et le banal (2) à la fois, de piller le dictionnaire de manière à s’approprier la langue maternelle et son imaginaire poétiquement. Poussée à l’extrême, cette écriture est entre deux, entre le rêve et le réel (3), au sillage d’une frontière, entre deux niveaux de la lettre. Et là, dans cet entre deux niveaux de la langue (de niveaux énergétiques très différents), l’écriture se livre au travail passionnant, subreptice presque sournois d’interpréter une réalité par un rêve, un rêve par la réalité. Non qu’elle se retranche dans un entre deux comme pour échapper au compromis avec la réalité ou au délire du rêve. Au contraire, elle se produit dans l’infiltration de l’un par l’autre, l’emprise sournoise mais implacable de l’un sur l’autre, avec des retournements soudains. L’écriture miftahienne plutôt limpide assez riche et peu à peu une gêne commence à poindre : on sent, non pas que ça veut dire autre chose, mais que ça dit autre chose déjà, et on ne sait pas quoi au juste (d’où la rage exégétique : fouiller dans le texte pour voir tout ce qu’il veut dire et qu’il tait : dans la poésie de MIFTAH c’est un trou sans fond, infini : on n’en finit pas de lui faire dire), cette poésie sollicite d’autres niveaux de notre psyché qui fonctionnent comme un rêve par rapport à ce réel qu’on nous étale, qu’on nous raconte.
1- Sami Ali : Le rêve et l’affect : Dunod
2- Sami Ali Le Banal, Gallimard
3- J.Lacan : Les formations de l’inconscient : Le seuil
و لي بغاني ...
راه في يلقاني
يدق ف ضلوعي يلقاني ف عتبة راسي
بارك فوق فياقي و موسد نعاسي
طافي ضو عيني
إلا نشوفني و يبقى في راسي